Le titre Ballade pour Adeline a été synchronisé dans une scène de meurtre de la série Narcos - Mexico. Considérant que l'usage de sa musique dans une scène de violence porte atteinte à son droit moral, ainsi que le fait d'avoir fragmenté le morceau et de ne pas l'avoir crédité au générique, le compositeur a assigné plusieurs sociétés impliquées dans la série. Il réclame notamment 1 million d'euros de dommages et intérêts au titre du droit au respect de l'oeuvre, 500 000 euros au titre du droit à la paternité, et 500 000 euros pour préjudice moral distinct.
Le respect de l'oeuvre
Association avec une scène violente
Le tribunal commence par décrire la scène sur laquelle a été synchronisée la musique, et admet que celle-ci est particulièrement violente. Néanmoins, les juges précisent que « l'usage de l'oeuvre pour illustrer la représentation de la violence n'est en soi illicite que si l'esprit de l'oeuvre y est incompatible, ce qui ne se présume pas ». En l'espèce, ils vont alors chercher à déterminer si oui ou non l'esprit de la musique est incompatible avec la scène de violence.
Se fondant sur divers éléments, tels que l'ambiance du thème musical, le nom de l'album, le répertoire habituel de l'artiste, la dédicace de la chanson à sa fille, le tribunal indique que l'esprit de l'oeuvre n'est pas univoque et va plus loin que simplement « l'amour » ou la « pureté », comme le démontre un précédemment usage dans une scène de film montrant le suicide d'une femme devant un enfant.
Ainsi, le tribunal considère que « l'oeuvre a été conçue, ou du moins a évolué avec l'accord de l'auteur, dans un esprit qui n'est pas exclusivement la tendresse, l'amour ou la pureté, et qui n'interdit pas par principe l'association avec la représentation choquante de la violence » et rejette la demande du compositeur concernant l'atteinte au droit au respect de l'oeuvre de ce fait.
Fragmentation
Dans la mesure où le compositeur a contractuellement autorisé l'usage de son oeuvre de manière fragmentée, le tribunal considère que celui-ci ne peut se fonder sur cette fragmentation pour justifier une atteinte à son droit moral.
Absence de mention au générique
La violation du droit à la paternité est ici admise par les juges, qui reconnaissent que ni l'oeuvre ni son auteur ne sont mentionnés au générique de l'épisode de la série dans lequel la musique a été synchronisée.
Concernant ces demandes, le tribunal a donc simplement condamné in solidum les sociétés attaquées à verser 1000 euros de dommages et intérêts à l'auteur pour la violation de son droit à la paternité.
Cette décision nous permet de comprendre que l'exploitation d'une oeuvre musicale au sein d'une scène violente ne suffit pas en elle-même caractériser une atteinte au droit moral de son auteur : il est nécessaire de démontrer l'incompatibilité avec l'esprit de l'oeuvre.
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